Rues engorgées, stationnement difficile, perte de temps… Le vélo peut-il changer la nature des déplacements urbains ? Depuis bientôt 35 ans, les bénévoles et les salariés de l’Association Droit au Vélo (ADAV) y croient fermement. Ils sillonnent la région pour promouvoir les déplacements à vélo. Sécurité, réseaux cyclables, formation, ateliers de réparation… Militante, l’association est aussi engagée dans une démarche partenariale et porte la parole des cyclistes auprès des territoires comme de leurs habitants.
Un peu plus de 2 000 adhérents début 2015, 2 130 un an plus tard : née en 2002, l’ADAV continue d’attirer de nouveaux membres bien décidés à promouvoir la pratique du vélo comme premier moyen de déplacement. L’association s’appuie sur un vaste tissu de correspondants locaux et compte aujourd’hui des antennes dans plusieurs villes du Nord Pas-de-Calais : Arras, Béthune, Boulogne-sur-Mer, Dunkerque, Hazebrouck, Lens, Maubeuge, Valenciennes, Arras et Saint-Omer, la petite dernière.
Il faut dire qu’après quelques décennies de disette, la petite reine retrouve des couleurs ces dernières années, entre enjeux économiques – se déplacer coûte cher – et environnementaux. Mais pas seulement, insiste-t-on du côté de l’ADAV. L’argument écologique et son faible coût plaident évidemment en faveur du vélo mais ce dernier a une autre carte à jouer : la vitesse. « En ville », décrypte Alexis Arnaud, « le vélo est le mode de transport le plus rapide pour les distances inférieures à 5 kilomètres. Et comme c’est le cas de 80 % des déplacements urbains…«
Un atout maître à une époque où chacun est toujours plus pressé, que ce soit pour se rendre du domicile au travail, faire quelques courses, rendre visite à des proches…
Partenaires de référence
L’objectif de l’association, devenue avec le temps un partenaire de référence dès qu’on parle mobilité urbaine, consiste à étendre à tout le territoire une approche qui a fait ses preuves à Lille : sensibiliser le grand public, convaincre les collectivités. Et pour ça, pas de secret : « Il faut mener un travail de fond auprès des élus pour les convaincre de sortir du tout-voiture et repenser la ville pour faciliter l’usage de la petite reine« , expose Alexis Arnaud, animateur et salarié de l’association.
Et ça marche : alors que le vélo ne représente encore que 2 % des déplacements au niveau national, ce taux atteint 8 % dans la capitale régionale, où quatre habitants du centre-ville sur dix n’ont pas de voiture. La conséquence de l’installation des V’Lille en 2011 bien sûr, mais aussi le résultat du patient travail mené par des associations comme l’ADAV, engagées au service d’une pratique du vélo urbain qui dépasse de loin la seule pratique sportive.
« Notre connaissance du terrain et notre connaissance technique des enjeux de la mobilité font de l’ADAV un partenaire incontournable en matière de sensibilisation et de concertation », résume Alexis Arnaud : « aménagements cyclables, schémas directeurs, stationnement sécurisé…« . Experts, fins connaisseurs du terrain, les membres de l’ADAV sont bien placés pour pointer les difficultés, apporter un regard critique ou accompagner élus et techniciens dans le déploiement de politiques plus favorables au vélo.
Au gré des conventions qui la lient aux collectivités et aux acteurs publics*, l’association s’engage également dans le milieu scolaire, notamment à Villeneuve d’Ascq : « nous intervenons auprès d’enfants de 9 à 11 ans pour leur apprendre à maîtriser leur deux-roues et les former aux réflexes de bases en matière de sécurité routière« , explique Alexis Arnaud. Une manière de passer le flambeau à la jeune génération et d’entretenir une caractéristique européenne : « aux Etats-Unis, un adulte sur deux seulement sait comment manier un vélo. La proportion est bien supérieure en France« , décrypte le jeune homme. Et pour les adultes qui ne sentent pas à l’aise les mains sur un guidon, certaines antennes proposent des formations capables de les… remettre en selle.
Enjeux techniques, enjeux culturels
Peu coûteux, bon pour le cœur et la planète, rapide et idéal sur les trajets pas franchement pentus du nord… Le vélo a des atouts certains mais il reste encore du chemin, à en croire l’ADAV. Si les Pays-Bas ou l’Allemagne ont toujours su entretenir une culture du vélo particulièrement enracinée, la France retrouve plus progressivement le goût du pédalier.
Une série d’innovations a favorisé ce renouveau – et des grands noms du Nord, comme B’Twin, n’y sont pas pour rien. Le progrès des matériaux a rendu les machines plus légères, de modes de propulsion complémentaires comme l’assistance électrique sont apparus… A Lille comme en France, les VAE (vélos à assistance électrique) voient leurs ventes progresser de 15% par an.
Cela dit, les évolutions matérielles ne peuvent pas tout : « Le vélo n’est pas le véhicule du futur au sens technologique du terme » s’amuse Alexis Arnaud qui rappelle qu’un pédalier, deux roues et un guidon sont largement suffisants pour se lancer. « Ces aides rendent plus facile la pratique du cyclisme et permettent aussi de toucher de nouveaux publics comme les seniors, mais le frein principal est avant tout culturel » pointe l’animateur.
En cause, la place excessive prise par la voiture dans l’imaginaire collectif : on associe encore la voiture à la liberté… Et à l’emploi, dans une région riche en sites automobiles, de Renault à Toyota.
Le vélo, lui, souffre encore de représentations parfois paradoxales : « dans une région à la longue histoire ouvrière, le vélo est à la fois perçu comme le véhicule de ceux qui n’ont pas les moyens de s’offrir une voiture et comme le véhicule des bobos de centre-ville » pointe l’animateur.
Et demain ?
En dehors de représentations culturelles qui évoluent à vive allure, les freins à son développement ne sont géographiques, ni météorologiques, à en croire l’ADAV : « les Québécois ou les Hollandais prouvent tous les jours qu’on peut circuler à vélo sous la neige ou sous la pluie« .
Lille peut-elle devenir la nouvelle Amsterdam ? Oui, si les acteurs publics s’impliquent pour rendre la ville plus sûre et plus pratique, plaide l’ADAV. Si les statistiques montrent que faire du vélo est moins dangereux en ville qu’en rase campagne, l’environnement urbain reste à maitriser. « L’effort public doit avant tout porter sur ce point au cours des prochaines années » milite-t-on du côté de l’association qui relève que les V’Lille ont eu l’avantage de banaliser la bicyclette et d’offrir des solutions à ceux qui ne peuvent pas stocker des vélos chez eux.
Comment passer un cran ? « Travailler sur l’accessibilité de l’espace urbain, la complémentarité des modes de déplacement, l’existence de parkings sécurisés… » énumère Alexis Arnaud. Autrement dit, faire en sorte qu’il soit pratique de circuler à vélo, de porte à porte : « Plus la demande des citadins sera forte, plus les pouvoirs publics se pencheront sur la question.«
Avis aux amateurs : agir commence par décrocher son vieux vélo du clou…
En chiffres
3 millions de vélos sont vendus chaque année en France
Tous modèles confondus, la France compte 26 millions de deux-roues non motorisés. Mais plus d’un tiers sont restés au garage au cours de l’année écoulée**
Dans la métropole lilloise, 5 000 V’Lille sillonnent les rues. 3 520 places de stationnement sont réparties sur 437 stations, toutes connectées aux arrêts du réseau Transpole
*L’association a signé des conventions de partenariat avec la Région Nord-Pas de Calais-Picardie, le Syndicat Mixte Intermodal Régional de Transports (SMIRT), la Direction régionale de l’Agence de l’Environnement et la Maîtrise de l’Énergie (ADEME), les Départements du Nord et du Pas-de-Calais, la MEL (Métropole Européenne de Lille), la CUD (Communauté urbaine de Dunkerque) et la CUA (Communauté urbaine d’Arras), la CASO (Communauté d’agglomération de Saint-Omer), et les Villes de Lille et Villeneuve d’Ascq.
**Source : association l’Heureux Cyclage
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