La Troisième révolution industrielle : une priorité dans les Hauts-de-France

Dans le cadre d’une série d’articles sur les élections régionales et probablement influencé par ces dernières, le magazine Alternatives économiques propose une analyse de rev3 – Troisième révolution industrielle, tentant d’argumenter le point de vue suivant lequel la dynamique initiée en 2013 aurait été « progressivement enterrée » par l’exécutif actuel du Conseil régional.
Il nous semble que l’article est entaché d’un certain nombre d’approximations, voire d’erreurs, à même de tromper le lecteur éventuel et méritant un rappel de quelques faits.

En premier lieu, le texte rend compte très imparfaitement de ce que furent les finalités initiales de la Troisième révolution industrielle, en particulier dans le Master Plan adopté en octobre 2013. Ainsi l’idée que « l’objectif [serait] de diviser la consommation énergétique par quatre et de couvrir les besoins avec la production d’énergie d’origine renouvelable », outre qu’elle paraît résulter d’une confusion entre le facteur 4 appliqué aux émissions de gaz à effet de serre (GES) et l’évolution de la consommation énergétique, est littéralement fausse. En fait, dans le Master Plan, le dessein est de tendre vers une économie décarbonée en jouant sur deux leviers : une baisse de 60 % de la consommation énergétique et la couverture des besoins par l’utilisation d’énergies renouvelables. À noter que, dans un exercice prospectif de 2018, visant à actualiser les scénarios d’évolution énergétique liés à rev3, l’ADEME estimait qu’un objectif de -50 % de la consommation énergétique pouvait être retenu, sachant qu’à un tel objectif et tenant compte de la progression des énergies renouvelables, correspondait une diminution de 72 % des GES, soit une valeur proche du facteur 4 à l’horizon 2050.

Dans l’article d’Alternatives économiques, une part importante de l’analyse repose sur des commentaires issus du CESER Hauts-de-France. En l’occurrence – sans que ce point soit explicité dans le texte – est mobilisé un rapport-avis relatif au projet de SRADDET (1) 2020-2025. Le SRADDET a été adopté par le Conseil régional des Hauts-de-France en juin 2020. Il a été élaboré durant trois ans – de novembre 2016 à novembre 2019 – et a donné lieu à une importante consultation auprès de divers partenaires publics, parmi lesquels le CESER. Des modifications ont alors été apportées dans la continuité de la consultation et de l’enquête publique (2). Il est donc tout à fait possible que les commentaires du CESER mis en avant aient porté sur une version antérieure qui, par la suite, a été révisée. Toujours est-il que pour juger des ambitions affichées par la Région dans le SRADDET – et apprécier le prétendu divorce avec les finalités de rev3 – c’est bien la version définitive et adoptée qu’il convient de considérer. Or, que dit cette dernière ?

L’objectif de réduction des émissions de GES est le facteur 4. Certes, on trouve bien l’expression « vers le facteur 4 », épinglée dans l’article d’AE, mais celle-ci, en aucun cas, ne saurait être interprétée comme signifiant « proche d’un facteur 2, soit la non-atteinte de l’objectif réglementaire » ! L’approximation – peut-être l’excès de prudence… – vient de ce que, pour la période 2031-2050, les tendances d’évolution n’intègrent pas l’effet de la réduction de CO2 due aux énergies renouvelables. Or, en son absence, la baisse entre 2012 et 2050 se limite à 55 % – de là peut-être l’indication d’un facteur 2 dans l’article ? –, tandis que leur intégration (3) dans le calcul conduit à une baisse globale de 71 % à l’horizon 2050, soit sensiblement le facteur 4. Autre chiffre à rectifier : l’article indique une part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique qui serait de 17 % en 2031. En réalité, la proportion est de 11 points supérieure à ce chiffre : 28 %… (4)

Autre point : le rôle de rev3 en faveur de l’emploi est passé sous silence dans l’article. Il est vrai, jusqu’à peu, nous ne disposions pas de bilan de la création d’emplois par les entreprises directement concernées par rev3. Désormais, un tel bilan existe et les chiffres qu’il présente sont plus qu’honorables. Entre 2013 et 2018, l’emploi rev3 aurait crû de 52 000, soit + 17,4 % et c’est davantage encore pour le « cœur de cible » : + 21,1 %. Sont notamment concernés : l’économie circulaire (+ 25 000), les énergies renouvelables (+ 22 000), le bâtiment « durable » (+ 10 000)… Si, à bon droit, Alternatives économiques insiste sur « une région toujours malmenée par la désindustrialisation », rev3 constitue de plus en plus un vecteur significatif de création d’activité à même d’enrayer la décrue.

En définitive, l’ambition rev3 est toujours présente et, chaque jour, de nouvelles initiatives apparaissent au grand jour : dans les entreprises, les collectivités territoriales, les Universités, les lycées, les associations… Des avancées indéniables existent dans la structuration de filières entières ou dans des thématiques particulières : biométhane, hydrogène, smart grids, décarbonation de l’industrie, bioéconomie, électromobilité, rénovation des bâtiments… Les moyens financiers existent. Avec « rev3 financements » – créé voici un an – et ses trois compartiments (capital, prêts, subventions), c’est un potentiel de 650 millions d’euros susceptible d’être mobilisé pour aider au financement des projets.

Bien loin d’être « enterrée », rev3 se porte au mieux et reste, plus que jamais, une priorité dans les Hauts-de-France.

  1.  Schéma Régional d’aménagement, de Développement Durable et d’Egalité des Territoires.
  2. Cf. SRADDET – Le Rapport : Une région attractive, des territoires moteurs, un développement équilibré, juin 2020, p. 10. https://www.hautsdefrance.fr/la-region-adopte-son-sraddet/
  3. Par exemple, en prolongeant sur 2031-2050, le taux moyen de réduction de CO2 due aux énergies renouvelables, prévu sur la période 2026-2031, soit -0,6 % par an.
  4. Cf. p. 225 du rapport du SRADDET. (Si le pourcentage demeure, il est vrai, inférieur à l’objectif national de 32 %, il faut cependant rappeler le déficit « naturel » des Hauts-de-France en termes de potentiel hydroélectrique et de grandes forêts productrices de biomasse, importante ressource énergétique renouvelable.)
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