La révolution digitale et sociétale de la CAMIF

Arrêt au bord de la Deûle pour la CAMIF et son PDG, Emery Jacquillat. A l’occasion de son 4e Tour du Made in France, le vépéciste a consacré sa 4e étape à une rencontre avec ses consommateurs et ses partenaires, autour d’une visite de la déchetterie d’Evin et de la Ressourcerie voisine.

Objectif : tisser des liens, mais surtout découvrir les filières de recyclage des meubles usagés.

Depuis sa reprise en 2009, la Camif a construit sa renaissance sur une digitalisation rondement menée (voir interview), doublée d’une attention toute particulière portée à la consommation locale et durable. Pari gagné d’ailleurs : au bord de la liquidation à la fin des années 2000, le site spécialisé dans l’ameublement et l’équipement de la maison a renoué avec la rentabilité et n’ambitionne rien de moins que d’avoir remplacé Ikea d’ici 25 ans, convaincu que le modèle des magasins physiques dont les produits sont conçus et fabriqués loin des lieux de vente n’a guère d’avenir. Et qu’à l’inverse, l’avenir est au local et au collaboratif, dans une démarche RSE qui emmène avec elle l’entreprise et ses collaborateurs, mais aussi ses publics et ses partenaires.

Le spécialiste de l’ameublement et de la décoration s’est lancé en 2014 dans un Tour du Made in France avec l’ambition de se rapprocher de ses clients et de ses fournisseurs – et surtout de multiplier les dialogues directs, dans l’idée d’engager une démarche de réflexion collective, d’innovation et de cocréation. Avec des résultats très concrets comme le best-seller Cinlou, un  bureau connecté issu des ateliers collaboratifs engagés à chacune des étapes de ces tours de France successifs. « Ces rencontres sont extrêmement enrichissantes pour tout le monde, à commencer par nos collaborateurs pour qui c’est un levier puissant de fierté, de performance et d’engagement », explique le PDG Emery Jacquillat, présent à chacune des huit étapes programmées cette année. « C’est également un excellent moyen de renforcer nos liens avec nos fournisseurs, tout en entretenant nos relations avec des consommateurs, au-delà des seuls échanges que permet le site web. Enfin, les ateliers créatifs sont un excellent outil de veille et d’innovation. »

La longue vie des meubles

Le 14 juin dernier, les équipes de la Camif ont rejoint Evin-Malmaison (62) pour l’édition 2017 de ce tour du Made in France, quatrième du nom. Une étape organisée en lien avec Eco-Mobilier, éco-organisme phare de la filière meuble. Financée par l’éco-participation – les quelques euros que chacun verse à l’achat d’un meuble, visibles en bas de chaque facture  – l’association a pour première mission de récupérer les meubles usagés, via les bennes de déchèteries comme celle d’Evin-Malmaison, pour transformer ces matériaux et les recycler.

Au cours de la journée, la grosse quarantaine de personnes présentes sont parties à la découverte de la déchèterie, récemment rouverte par l’agglomération d’Henin-Carvin après neuf mois de travaux de rénovation qui ont permis à la structure de s’agrandir. Sur 6 000 m², le nombre de quais de déchargement a été doublé : 12 contre 6, sans compter les bennes de secours mises en place au printemps pour accueillir les déchets verts, toujours plus nombreux en cette saison. Quelques dizaines de mètres plus loin, la visite s’est poursuivie par la découverte du fonctionnement de la Ressourcerie du SYMEVAD,  structure dédiée à la réutilisation d’objets issus de la collecte, des apports volontaires et des débarras de maison. Nettoyés, réparés, les objets et les machines recueillies sont ensuite revendus dans le magasin voisin, à des tarifs défiant toute concurrence.

Plus qu’une simple structure de valorisation des déchets, la Ressourcerie contribue donc à donner une seconde vie à des équipements qui finissaient jusque-là désossés et recyclés – dommage, alors qu’ils pouvaient largement servir à d’autres utilisateurs. Mieux encore, la structure est engagée dans une démarche d’insertion professionnelle efficace, puisque l’association DIE (Dynamique Insertion Emploi), chargée de sa gestion, emploie aujourd’hui une quarantaine de personnes en difficulté dans ses ateliers de réparations ou dans ses trois magasins.

Dernier partenaire présent, Secondly. Retenu par Eco-Mobilier pour le traitement et le recyclage de la literie usagée dans le périmètre dans le nord de la France, la jeune entreprise a présenté ses techniques de traitement des matelas en fin de vie – une démarche soutenue par la Camif. Le vépéciste y voit une source de réflexion, capable d’orienter sa stratégie en amont et de l’aider à définir des solutions qui permettent à Secondly ou à d’autres opérateurs semblables de récupérer facilement des produits exploitables, voire de développer une filière de matelas recyclés. Durable et responsable !

Le Tour du Made in France en chiffres

  • 4 éditions
  • 36 ateliers collaboratifs
  • 600 clients rencontrés
  • 5 projets innovants en cours
  • 36 fabricants rencontrés
  • 36 visites d’usines/de centres

Interview Emery Jacquillat

« Le digital n’est qu’un outil »

Lauréate en 2016 du 19e Grand Prix de l’Entreprise Collaborative, qui récompense les dispositifs et réalisations les plus exemplaires en matière de collaboration dans les entreprises, la Camif a construit sa stratégie commerciale et managériale sur le numérique. Une volonté portée par Emery Jacquillat, bien décidé à faire de la société de vente par correspondance un pure player du digital, au service des rapports humains.

Vous avez engagé la Camif dans une révolution digitale. Quelles en ont été les grandes étapes ?

Nous avons fait ces choix très tôt, avant même d’obtenir l’accord du tribunal de commerce lors du rachat de la Camif. Nous savions que l’ancien modèle était voué à disparaitre, comme les catalogues papiers des premiers temps de l’entreprise… Très vite, nous avons donc décidé de reconcentrer notre offre commerciale sur le seul canal web et les changements ont été particulièrement rapides. C’était la condition sine qua non d’un redressement qui était loin d’être acquis puisque l’entreprise était en liquidation judiciaire. Mais ce choix de tout parier sur le web n’était que la face émergée d’un pari qui reposait avant tout sur l’idée de promouvoir des produits made in France, conçus avec des partenaires locaux et dans le souci de prendre en compte les enjeux sociaux, environnementaux et sociétaux.

Comment avez-vous amené vos collaborateurs à adhérer à cette démarche ?

Il a fallu tenir compte de la culture d’une entreprise de grande taille, qui avait ses habitudes et ses modes de fonctionnement. Emmener les anciens passe par un effort de formation et d’organisation. J’ai toujours été convaincu que le numérique doit être une manière de casser les murs au lieu d’en dresser. C’est d’ailleurs exactement ce qui s’est produit lors de la reprise de la Camif, lorsque j’ai décidé d’abattre les cloisons physiques pour favoriser les échanges entre les salariés et placer chacun sur un pied d’égalité. Au-delà du numérique, nous avons adopté une structure plate, sans organigramme réel. Là encore, c’est un facteur de déstabilisation pour certains salariés, accoutumés aux hiérarchies bien établies. J’ai personnellement porté l’idée que réinventer la Camif passait par une remise à plat de nos modes de travail. C’est la raison pour laquelle nous avons accueilli pendant trois mois une artiste en résidence, Anne-Laure Maison. Par son travail, elle a mis en évidence certaines difficultés de communication : des salariés éloignés de quelques mètres s’envoyaient des mails !

Comment a-t-elle contribué à faire évoluer les choses ?

En observant nos comportements, elle s’est mise à matérialiser les déplacements physiques par des scotchs roses, sans expliquer pourquoi dans un premier temps. Jusqu’au moment où les salariés ont compris que si aucune bande de couleur ne menaient vers eux,  c’est parce qu’ils ne s’étaient pas déplacés et que personne n’était venu les voir… Quand on a une révolution à mener, le frein, c’est l’homme : cette expérience a contribué à installer le changement par petits pas successifs, dans une atmosphère de confiance et de bienveillance, deux notions extrêmement importantes à mes yeux. Lorsqu’un enfant apprend à marcher, il va devoir se relever plus de mille fois avant d’y parvenir. S’il ne se décourage jamais, c’est parce qu’il ne lit jamais autre chose que des encouragements dans les yeux de ses parents. C’est une leçon dont on peut tirer certains enseignements dans l’entreprise : on apprend de l’échec et de l’erreur.

Au-delà de ces mesures d’ordre symbolique, avez-vous eu recours à des solutions purement opérationnelles ?

Bien entendu. Une telle transformation ne se fait pas sans mettre en place les formations et les outils nécessaires, comme un réseau social d’entreprise. Au début, ces solutions peinent à s’imposer puis finissent par trouver leur place… Pour recruter des personnes compétences en e-commerce, nous avons par exemple travaillé avec la chambre de commerce de Niort pour mettre en place une formation en alternance, dont le programme était conçu pour cadrer avec tous les métiers du e-commerce, du community management au référencement. Ce cursus mis en place en 2011 a permis de former plus d’une centaine de personnes depuis, pour leur donner une chance de travailler dans ce secteur d’avenir. A l’intérieur de l’entreprise, ce système a contribué à notre succès en amenant les salariés

tuteurs à prendre des responsabilités. Ce qui est intéressant, c’est que ces encadrants apprenaient autant du jeune qu’ils accompagnaient que l’inverse…

La stratégie digitale prend une dimension très réelle à la Camif qui s’appuie notamment sur sa communauté de clients. Vous avez notamment mis en place « la Camif près de chez vous ». En quoi consiste ce dispositif ?

Il s’agit d’un service de mise en relation entre nos 200 000 clients et des acheteurs potentiels qui permet de tracer un lien entre le digital et le monde concret. Concrètement, l’idée est de mettre en relation des personnes intéressées par tel ou tel produit et des acheteurs qui l’ont déjà chez eux, pour permettre aux premiers d’aller tester nos produits directement chez les seconds, en conditions réelles. Ces clients ambassadeurs sont souvent des fidèles, réceptifs à l’aspect solidaire d’une démarche très simple, basée sur la simple mise à disposition de son code postal. Le fait de discuter non pas avec un vendeur mais avec un autre client crée une confiance immédiate et contribue à créer un lien social. Le digital n’a de sens que s’il permet de créer ce type de relations.

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