Gesnord veut faciliter l’accès aux soins

131 généralistes pour 100 000 habitants dans les Hauts-de-France, des semaines de 70 heures en moyenne et des délais qui s’allongent : pour les médecins comme pour leurs patients, le parcours de soin tourne parfois au parcours du combattant. Pour fluidifier les prises de rendez-vous, la société Gesnord veut soulager les professionnels de santé de la gestion des agendas, leur permettant ainsi de se concentrer sur leur première mission : soigner.

Tout est parti d’un constat : au quotidien les professionnels de santé témoignent tous de leur lassitude devant la place croissante que prennent des occupations éloignées de leur cœur de métier : comptabilité, tâches administratives – et gestion des appels. Pas facile de soigner un patient quand le téléphone ne cesse de sonner, d’autant que les professionnels de santé n’ont pas tous les moyens de rémunérer une secrétaire médicale, encore moins lorsqu’ils travaillent seuls ou lorsqu’ils viennent de s’installer… A la clef, des délais de consultation qui s’allongent, du stress et la sensation pénible de perdre son temps.

Pour y parvenir, le fondateur de Gesnord parie sur un triptyque vertueux, basé sur un process rigoureux de traitement des appels, une architecture technologique irréprochable et un effort de formation considérable. Concrètement, l’entreprise – qui compte aujourd’hui une vingtaine de salariées – est en mesure de gérer des flux d’appels importants sans heurts et avec un décrochage rapide. Gesnord, fondée en 2004 à Lens par Mohamed El Manani, a été conçue pour répondre à cette problématique d’autant plus cruciale qu’elle peut compromettre la qualité de l’accès au soin.

A la clef, l’idée que les médecins n’ont pas tant besoin d’une secrétaire présente en permanence que de trouver une réponse à un problème de surcharge qui vient parasiter leur corps de métier. Avec son épouse, elle-même ingénieure commerciale, cet ingénieur Telecom imagine une plate-forme téléphonique capable de prendre en charge l’accueil téléphonique des cabinets. Reste à convaincre des professionnels de santé, parfois méfiants à l’idée de sous-traiter une tâche éminemment humaine : dans un cabinet, gérer les demandes de rendez-vous suppose le plus souvent de bien connaître sa patientèle.

5000 appels par jour

Que ce soit pour une prise de rendez-vous ou pour une simple prise d’information, les personnes qui cherchent à contacter leur cabinet médical ne tombent jamais sur un disque vocal d’attente mais sur une téléopératrice dûment formée aux exigences du métier de secrétaire médical : chaque nouvelle collaboratrice passe ainsi par un parcours de formation de 400 heures à son arrivée dans l’entreprise. Le tout en passant par des process de prise de rendez-vous précis, co-conçus avec les médecins et les autres professionnels de santé clients de la plate-forme. Et pour un coût bien inférieur à celui d’un poste de secrétaire médical à plein temps, d’autant que les contrats sont élaborés à la carte et sans engagement, en fonction des besoins propres à chaque médecin.

L’entreprise a vite séduit le milieu médical du Nord et du Pas-de-Calais, attiré par une solution qui permet aux soignants de retrouver du temps pour leurs patientèles – et de réduire au passage leur propre stress. Médecins de ville, médecins de campagne, infirmières libérales, kinésithérapeutes, ostéopathes… Gesnord travaille aujourd’hui avec plus de 250 cabinets médicaux. Seize collaboratrices ont rejoint les deux fondateurs et se relaient six jours sur sept, de 7 heures à 19 heures pour répondre aux patients, les rassurer et gérer les éventuelles urgences. Soit un volume total de 4000 à 5000 appels à jours, plus de 900 000 sur l’année…

Vers une démarche de territoire ?

A bien des égards, la trajectoire de l’entreprise s’inscrit dans une réflexion plus large, qui touche à l’économie de la fonctionnalité et au-delà, à des problématiques de territoire. En 2012 – l’année de son déménagement à Courrières, toujours au cœur du bassin minier – Gesnord s’est d’ailleurs engagée dans une réflexion sur le sujet, en lien avec le territoire et en partenariat avec le CJD (Centre des Jeunes Dirigeants) et le Réseau Alliances, pendant dix-huit mois. Avec une douzaine de chefs d’entreprises, Mohamed El Manani participe alors à une série d’échanges sur les nouveaux modèles économiques : comment changer de logiciel mental, comment passer d’une simple question de gestion des flux d’appels à la capacité à dégager des valeurs immatérielles…

En clair, au-delà de la comptabilisation du nombre d’appels passés, Gesnord cherche à savoir comment valoriser le flux d’informations que les salariées collectent naturellement. En traitant un tel nombre d’appel, les salariées de Gesnord recueillent une série de signaux faibles concernant l’activité médicale du territoire, lue au travers des volumes traités. Elles sont par exemple capables d’identifier la surcharge de travail que connaissent certains médecins, ou le risque de voir apparaître un désert médical lorsque plusieurs praticiens annoncent leur prochain départ en retraite dans une même zone et au même moment.

Autant d’informations agrégées qui pourraient être utiles aux collectivités territoriales ou aux acteurs comme l’ARS ou l’ordre des médecins, à l’heure où les patients veulent un meilleur accès aux soins, les médecins un meilleur équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle et les hôpitaux une diminution de l’engorgement des urgences.

Reste à trouver le moyen d’emmener toutes les parties prenantes dans cette démarche innovante – un long chemin qui n’effraie pas son fondateur, bien décidé à se rapprocher d’acteurs territoriaux de la santé comme l’Agence Régionale de la Santé ou Eurasanté pour participer à une réflexion globale sur l’accès aux soins en Hauts-de-France.

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