Fondée en 1857 par la famille Toulet, l’entreprise artisanale rachetée en 2008 par son ancien directeur commercial Marc-Alain Deledalle n’a pas cessé depuis de donner un coup de jeune à un loisir vénérable. Innovation, design, développement durable et personnalisation : à Bondues, les tables de billard ont pris un sacré coup de jeune, pour le plus grand bonheur des amateurs.
160 ans l’année prochaine : un âge vénérable pour une PME, loin de l’empêcher pour autant de déployer un sens aigu de l’innovation. Emblématique de l’artisanat nordiste, Billards Toulet a construit son succès sur une démarche innovante, ouverte à l’export et engagée au service de l’environnement, sans rien céder aux attentes de ses clients ou à la qualité de ses modèles. Au contraire : avec 30 à 70 heures de travail sur des modèles qui peuvent peser jusqu’à une tonne, la fabrication d’un billard Toulet, de son design aux finitions, rappelle celle d’un modèle automobile de prestige.
Design, export et haut-de-gamme
A son arrivée, le nouveau directeur décide de refondre le catalogue avec l’ambition de faire entrer le vénérable billard – le jeu date de Louis XIV – dans l’ère moderne. Sans rien sacrifier à la tradition au ou plaisir du jeu, mais en travaillant le design, les lignes et les matériaux pour trouver un nouvel équilibre entre l’âme du jeu et sa capacité à séduire de nouveaux joueurs, férus d’esthétisme. Des modèles premium qui ont un coût, de 2 500 à 8 000 euros sur le marché français. Et bien davantage à l’international pour les modèles sur mesure commandés par les amateurs les plus aisés, dont les exigences représentent autant de challenges techniques pour une entreprise. Parmi les dernières fantaisies, celle d’un client américain qui a souhaité intégrer son billard dans la carrosserie d’une… Mini. Défi relevé avec succès.
Des racines et une vision
Design, personnalisation, adaptation : le succès de la formule ne se dément pas depuis 2010. Les billards conçus par la quarantaine de salariés des ateliers de Bondues font un tabac auprès des particuliers, qui forment 90 % de sa clientèle. Dès 2010, la PME voit son chiffre d’affaires progresser régulièrement et décide rapidement de chercher de nouveaux débouchés à l’export, en jouant sur un savant mélange de savoir-faire, de qualité irréprochable et de french touch. Les modèles conçus et fabriqués à Bondues séduisent rapidement une clientèle haut de gamme, en France ou ailleurs, conquis par des objets qui dépassent le statut de jeu pour aller vers celui d’objet de décoration intérieure, élégants – et largement personnalisables, une spécificité qui n’empêche pas la PME de Bondues de sortir jusqu’à 1000 modèles par an, 100 % made in France et garantis à vie. Le tout sans compter les quelques 400 baby-foot produits chaque année par sa filiale Debuchy by Toulet, montée en association avec l’international français Mathieu Debuchy, enfant du pays et ancien du LOSC. Les acheteurs venus de Russie, des Emirats Arabes Unis, des Etats-Unis… représentent aujourd’hui 50 % du chiffre d’affaire de l’entreprise (à peine 2 % en 2008), qui dépasse aujourd’hui les 3 millions d’euros.
L’écoconception, facteur de croissance
Indéniable, le succès de l’entreprise repose sur sa capacité à innover – en imaginant par exemple le premier billard destiné aux personnes atteintes par un handicap – et à s’inscrire à la fois dans son époque et sur son territoire. Très tôt, la PME s’est emparée des problématiques liées à la démarche rev3 en pariant sur l’écoconception, un parti-pris environnemental revendiqué et le recours systématique aux compétences et aux ressources locales, dès la phase de conception puisque l’entreprise dessine ses modèles avec les écoles de design de la région, notamment l’ISD de Valenciennes.
Du côté des matériaux, même souci : l’intégralité du bois massif utilisé est labellisé PSFC ou FSC, des labels internationaux qui garantissent la traçabilité de matières premières que l’entreprise valorise jusque dans son modèle de production. Les chutes viennent alimenter le système de chauffage dont s’est dotée l’entreprise, grâce à une chaudière alimentée par les palettes, les copeaux et la sciure sorties de ses ateliers. De quoi chauffer les 5000 m² d’ateliers et les 600 m² de showroom de son site de Bondues, au prix d’un investissement de 22 000 euros rentabilisé en moins de deux ans.
Le premier billard éco-conçu du monde
En 2013, l’entreprise a poussé la logique à son sommet en imaginant un billard entièrement éco-conçu. Autour d’un châssis en métal recyclé, sa structure en chêne de Bourgogne est vernie à l’eau, sans ajouter la moindre peinture. L’ardoise de sa table est également traitée à l’eau, en circuit fermé pour limiter la consommation, et les poussières émises lors du ponçage sont réutilisées par des fleuristes qui s’en servent pour la culture d’hortensias ou d’orchidées. Le caoutchouc des bandes et des poches ? L’entreprise réduit leur épaisseur au maximum et se fournit auprès de fabricants locaux, eux-mêmes engagé dans des processus d’écoconception. Le tapis écru et recyclé qui recouvre la table ne subit aucun traitement et aucune teinture et les colles utilisées sont toutes naturelle. Le transport des produits finis, assuré par des véhicules peu polluants, est pensé pour limiter l’impact environnemental de la production. Cerise sur le gâteau : la signature Toulet sur le billard est appliquée au fer plutôt qu’à l’encre…
A la clef, une vingtaine de modèles déjà écoulés et une entreprise qui ne compte pas se reposer sur ses lauriers, mais continue d’inventer, en investissant chaque année 10 % de son chiffre d’affaires dans la recherche-développement. Avec en ligne de mire, la conception d’un billard en bois 100 % recyclé et un baby-foot également éco-conçu.